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9 janvier 2011

Meurs dur

Petite tentative de réhabilitation d'un excellent film d'action, à la mise en scène soignée, devenu pratiquement un classique et en tout cas un film culte : Die Hard ou Piège de Cristal.


Die Hard, premier du nom, est tout d'abord une formidable vitrine sur les années 80. Quoi de mieux pour se rappeler l'esprit de ces années-ci que d'observer les changements qui ont eu lieu depuis. Dès les premières minutes du film, on sait que l'on est transporté quelques années en arrière. Ainsi, John McClane a le droit de porter un flingue dans l'avion. Aujourd'hui, vous seriez flic, commissaire ou ce que vous voulez, essayez de monter avec un colt dans votre holster. Dès son arrivée, McClane s'en grille une, en plein terminal, au milieu des autres voyageurs. Passons outre la formidable publicité pour la cigarette comme l'appendice du mec cool, macho et viril, pour nous rappeler cette époque où on pouvait enfumer qui on voulait, comme on voulait.

Au delà de certains habits (le pantalon moulant et le sweat du frère de Karl, les couleurs fluos des voyageurs à l'aéroport), les personnages sont parfaitement à l'image de ces années. On retrouve ainsi la belle chevelure longue à la Dave Mustane portée par un des méchants (je n'ai pas vu de mulet mais il n'aurait pas dépareillé, en particulier chez des Allemands). Et surtout le personnage du yuppie cynique et assoiffé de pognon avec la fameuse tête à claque et collègue de Holly Gennero, Ellis. À la limite de la caricature, avec coke et rolex, celui-ci brasse tellement d'argent « au petit-déjeuner » qu'il se prend pour le roi du monde et il finit comme on sait. Avec le développement de l'informatique, on commence à reconnaître le personnage du geek qui, déjà à l'époque, tape n'importe comment sur son clavier sans même le regarder. Et enfin, guerre froide oblige, le film met en avant de méchants terroristes d'origine allemande, portés sur l'anticapitalisme. Bien sûr, tout ceci est une couverture, comme nous le verrons plus loin, qui renvoie néanmoins à l'image traditionnelle du film d'action et à la figure du bad guy venu du bloc de l'est.

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Die Hard est aussi un film à la formidable mise en scène et au scénario à la cohérence exemplaire. Côté mise en scène, notons l'importance du décor, présenté par de longs panoramiques insistant sur la disposition de l'espace. Le Nakatomi Plaza est un personnage à part entière : c'est lui qui permet à McClane de se cacher, qui déjoue les projets des terroristes, qui est travaillé dans ses moindres recoins par les personnages. Le réalisateur a le souci didactique de nous faire découvrir dans un premier temps pratiquement tous les décors qui seront réutilisés durant les scènes d'action. Prenons ainsi le rez de chaussée et la séquence qui représente l'arrive au parking et au hall d'entrée. On a tout le loisir d'observer par des prises de vue multi-angles la représentation et l'organisation de l'espace. Et cela nous sera utile à plusieurs reprises : quand les voleurs arrivent, quand Argyle intervient, quand l'équipe de troupes spéciales essaient d'entrer, etc.

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De manière générale, par ce même souci didactique, le scénario ne laisse rien au hasard et explique régulièrement ce qui va provoquer les scènes d'action à venir. Ainsi, le passager dans l'avion qui fera enlever ses chaussures à McClane provoquant une caractéristique fondamentale du personnage.  De même, Takagi précise bien que l'immeuble est en travaux, ce qui est réutilisé pendant tout le film. Notons également, par le même procédé de continuité, le leitmotiv de l'Hymne à la joie qui est utilisée durant tout le film, à travers différents tons : depuis la fête de Noël jusqu'à la consécration de l'ouverture du coffre, en passant par Hans qui la chantonne dans l'ascenseur.

Le film est fait de couloirs, d'escalier, de sous-sols et de conduits d'aération qu'on repère au premier abord par des moyens visuels simples et évidents. Ainsi, les playmates qui sont accrochés sur un mur que l'on remarque une première fois et qui servent à savoir où l'on se situe lors du second passage. Le film joue et crée tous les codes du genre du huis-clos en milieu urbain : câbles d'ascenseur et conduits débouchant sur un vide insondable, hélices de ventilation, etc.

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Mais ce qui est le plus intéressant dans Die Hard est bien la réflexion portée par le film sur le cinéma d'action américain. Tout au long du film, des petites remarques venant des protagonistes ou les scènes elles-mêmes, font porter à réfléchir sur le cinéma d'action. Lorsque Al Powell va chercher ses provisions dans une épicerie, il a une discussion avec le caissier sur la figure du flic américain amateur de donuts, alors que lui achète à manger pour sa femme enceinte. Le film entend donc se démarquer clairement de la figure du flic traditionnel. Un peu plus tard, on voit Hans enrager car un mystérieux inconnu ne cesse de contrecarrer son plan. Dans un échange avec McClane, il lui demande si celui-ci se prend pour « un américain qui a vu trop de film » et cite Rambo et John Wayne comme exemple. Si le policier new-yorkais avait répondu par l'affirmative, il se serait inscrit dans une longue tradition et se serait sans doute fait descendre. Mais McClane compte se démarquer de cette filiation, tout comme McTiernan à travers Die Hard.

De son côté, Hans continue à appeler McClane « cow-boy », ce qui montre bien que pour lui, McClane n'est pas différent du cinéma déjà existant, il en est un pur produit. C'est ce qui ressort de la scène finale où le voleur se réfère à des figures classiques comme John Wayne, Gary Cooper et Grace Kelly, et ironise sur la situation comme étant une fin sans happy end. Mais McClne n'est pas de cette école, c'est ce qui lui permet de s'imposer et de manière ironique en citant ce slogan fortement relié au monde du cow-boy et devenu culte depuis : « yipee-ki-yay motherfucker ».

Si McClane, le personnage positif, se démarque du cinéma d'action américain traditionnel, on ne peut pas dire que tous les personnages fassent de même. Ainsi, les nombreuses tentatives du LAPD ou du FBI, renvoient quant à elles, à ces figures classiques, ce qui explique qu'elles échouent lamentablement. Ils pensent pouvoir en effet utiliser la force virile comme seul argument, mais les terroristes l'on prévu et s'y sont préparé. Citons ainsi la référence à Schwarzenegger qu'ils pourraient envoyer sur orbite tant ils sont prêts. Les troupes d'élites se font donc recevoir au missile anti-aérien. Et les ridicules Johnson & Johnson (« sans liens de parenté ») du FBI, gros bras machos qui se croient encore au Viêt Nam dans une mauvaise parodie d'Apocalypse Now, se font exploser au C4. En revanche, pour McClane et Powell s'ils pourraient être assimilés au genre éculé du buddy movie, c'est de manière particulière car on ne les voit jamais ensemble jusqu'à la fin du film.

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Les terroristes utilisent eux aussi cette référence à un cinéma traditionnel de manière décalée. En témoigne la demande de libération absurde de « frères révolutionnaires » de tous les pays du monde afin d'occuper la police. Ils jouent sur les codes des méchants terroristes classiques du bloc de l'est afin de tromper les forces de police. Ce qui réussit dans une certaine mesure, mais c'était sans compter John McClane, qui n'appartient pas, quant à lui, à ce registre classique et réussit donc à leur faire face. Toutefois, toute cette réflexion est annihilée par les dernières minutes du film quand Karl émerge et est descendu par Al -cliché récurrent des série B. Dommage.

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Commentaires
S
> se démarquer,<br /> > des archétypes.<br /> <br /> >>>SérieB a laissé son orthographe dans sa copie de partiel et vous prie de bien vouloir l'excuser.
S
En fait je ne pense pas qu'il essaie de ce démarquer, mais plus de rendre hommage au genre, en nommant les grandes figures, en mentionnant des archétype et surtout en allant à la source du genre à travers un personnage de série B qu'est RR. Bref, il fait du neuf avec de l'ancien, meilleur moyen de s'inscrire dans un genre, tout en le renouvelant et en le transcendant.
S
Sauf que tu zapes qu'il se réfère intentionnellement à Roy Rogers, mister cow-boy des westerns de série B.
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