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16 mars 2010

De la couleur dans Paris, Texas (2)

Suite et fin du dossier sur la couleur dans Paris, Texas. Avec en bonus track, une photo de la sublime Nastassja Kinski.


Le « fil rouge »

On peut trouver durant tout le film une symbolique à la couleur rouge, qui serait liée aux trois personnages de Travis, Hunter et Jane. Elle s'impose dès le début du film où la casquette rouge de Travis tranche radicalement avec les tons « naturels » ocres et bleus du désert et du ciel. Le rouge est constamment présent, par petites touches, de plus en plus importantes, au fur et à mesure que l'histoire progresse. Le rapport entre cette couleur et les autres évolue au fil du film, celle-ci est comme un signe avant-coureur du développement de la diégèse. Au départ, la couleur rouge est assez ténue. Elle ne colorie que des petits éléments qui occupent un espace minime à l'écran, mais elle ressort fortement à l'écran en raison de son caractère très vif qui tranche sur le reste de l'espace.

Elle est tout d'abord lié à Travis dont le couvre-chef est une de ses caractéristiques. Mais avec l'apparition du personnage de Hunter, on découvre que lui aussi partage le même goût pour la couleur.  Ainsi, celui-ci aime se réfugier dans la Volkswagen rouge de son oncle, porte un t-shirt rayé de rouge, etc. Car ils portent tout deux les même teintes chromatiques, ces deux personnages sont premièrement réunis par la couleur, avant d'être effectivement réunis dans la diégèse. Avec les retrouvailles du troisième et dernier membre de la famille, Jane, la couleur rouge envahit littéralement l'écran pour reléguer en arrière-fond les autres couleurs. Car le rouge est la couleur dévolue à cette famille. On s'en rend particulièrement compte lors de la scène du visionnage du film en Super 8, entièrement coloré par une légère teinte orangée qui, outre le fait de donner une tonalité chaleureuse contrastant avec la solitude présente, confirme la prépondérance des couleurs chaudes.

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C'est avec la fuite du père et du fils, et donc une première étape vers la réconciliation que le rouge commence à s'épanouir. Les deux personnages sont habillés tous les deux de rouge, accentuant ainsi l'harmonie qui commence à s'installer entre eux. Dès lors que Jane apparaît, celle-ci répond également à cette règle de couleurs : elle conduit une Chevrolet rouge et son véhicule est encombré d'objets de la même teinte. Mais c'est avec la scène du peep-show que l'on se rend compte à quel point Jane est marquée par la couleur rouge, comme la dernière pièce manquante du puzzle pour réunir la famille et recouvrir entièrement la pellicule de cette couleur.  Pour arriver dans cet espace, Travis passe par un espèce de sas où domine exclusivement le rouge, qui confirme que c'est bien Jane qu'il va retrouver. La première fois qu'il la voit, elle est accoudée de dos à un bar, mais on sait que c'est elle à son pull et ses talons rouges. Dans ce lieu, il passe par différentes chambres, mais jamais l'absence de rouge n'est total : que ce soit les chiffres de loges ou le panneau « exit », tout rappelle que ces retrouvailles vont bientôt avoir lieu. Et lorsqu'enfin, les deux sont face à face, bien que seul Travis soit en mesure de la voir, le rouge est partout : le pull, les lèvres de Jane, les rideaux, les meubles, le téléphone.

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Ils se sont enfin retrouvés et c'est par la couleur qui envahit l'écran que nous pouvons également le comprendre. Mais lorsque nous faisons un parallèle avec la deuxième scène de peep-show qui se déroule plus tard, on se rend compte que cette fois-ci la couleur dominante est le noir. De même, lors des retrouvailles entre Hunter et sa mère, c'est le vert, venant des lumières artificielles des néons se reflétant sur les habits noirs de deux personnages, qui prédomine cette fois-ci. Car ils se sont tous retrouvés, le rouge a quitté le film. Cela montre qu'une étape a été clairement dépassée et que c'était l'éclatement de la famille qui appelait cette couleur. Mais avec le départ de Travis, laissant Hunter et Jane derrière lui, en voiture, dont les feux arrières étincelants brillent, le rouge revient finalement, renforcé par tous les phares des véhicules sur la route. La couleur rouge est donc intimement lié au destin de cette famille, et représente la couleur de l'éclatement des membres de celle-ci. Elle disparait pour un court moment, mais est de nouveau rappelée, comme si toute la diégèse n'avait été qu'une parenthèse n'ayant permis qu'à seulement deux de ces membres de se retrouver, en attendant que le dernier n'accepte de s'immobiliser.

Le traitement de la couleur dans Paris, Texas répond donc à la volonté du cinéaste d'imposer sa vision propre d'un imaginaire qui a déjà été traité de nombreuses fois, et pour Wenders, ce qui représente l'Amérique ce sont ces couleurs vives qui apportent au décor une dimension particulière unique. Ces espaces colorés entrent en interaction de manière spécifique avec les personnages, surtout avec Travis qui est défini dans son rapport à la société. Mais Wenders se sert également des couleurs, et notamment du rouge pour traiter des relations entre ses personnages. Cette couleur est ainsi dévolu à cette famille éclatée qui se recompose peu à peu. La narration est alors renforcée par le jeu des couleurs, et par l'apport du rouge à l'écran.

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