Le photographe

Un fantastique coup de coeur aujourd'hui, avec cette review consacrée à la série de bande-dessinée, Le Photographe.

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Croisement entre la bande-dessinée et la photographie, la série Le Photographe est le fruit de la collaboration de deux voisins, devenus amis, Didier Lefèvre et Emmanuel Guibert. Le premier est le héros de cette histoire qui nous raconte son parcours en Afghanistan à la fin des années 80, en tant que photographe accompagnant une équipe de Médecins Sans Frontières. Le second est dessinateur de bandes-dessinées. Les trois tomes qui composent la série provoquent la réunion des talents respectifs des deux hommes : la photographie et le courage pour l'un, l'écriture et le dessin pour l'autre. Plus qu'un témoignage, ce carnet de voyage est un livre de géopolitique, d'histoire, de sociologie sur la guerre entre soviétiques et moudjahidines.

Mais ce qui frappe au premier abord, c'est le trait. Le dessin de Guibert est assez épais, très marqué par de grosses lignes, aux limites entre le brouillon et l'épure. Il réussit, de cette façon là, à mettre en valeur les photos de Lefèvre qui sont tout simplement magnifiques. Entièrement en noir et blanc, l'ensemble de ces photographies développe une force telle qu'il est difficile de le définir par écrit. Il faut le voir pour le comprendre. Insérées au sein de la narration, celles-ci valent tous les dessins du monde et rendent compte à merveille des jeux de lumières de cette région montagneuse, du fourmillement de la société montagnarde afghane.

Lefèvre possède un authentique talent dont les caractéristiques principales sont le cadrage, la capacité à saisir ces moments précis qui signifient tellement et son habilité à se laisser oublier et à livrer un témoignage interne authentique. Celui-ci dévoile donc son véritable don à déceler dans le paysage les éléments qui composeront une excellente photographie. Jamais géométrique, fonctionnant en général sur une longue profondeur de champ, le cadrage met en valeur les habitants de ces régions, pris sur le vif sans s'en rendre compte. C'est pratiquement à une étude de la population des montagnes afghanes que se livre le photographe, car il a réussi à se laisser accepter et à devenir un élément du décor.

Mais Le Photographe, c'est avant tout une histoire vraie et incroyable. Celle d'une mission de MSF envoyée pour réparer les dégâts causés par la guerre. Celle d'un homme venu couvrir un conflit et tombant amoureux d'un pays. C'est l'histoire de cet amour pour l'Afghanistan où il retournera souvent. Au terme de la série, on découvre un personnage transformé, mais le changement a également eu lieu en nous. On a vécu avec lui la désillusion, la peur de mourir, la joie de retrouver des plaisirs simples. Plus que le pays que l'on voit dans les journaux télévisés, l'Afghanistan se révèle être un endroit où les gens veulent continuer à vivre, malgré les conflits qui s'enchainent, un lieu qu'on aurait envie de parcourir, de photographier.

Un livre de récits et de photos de Lefèvre existe également. Voyages en Afghanistan, le pays des citrons doux et des oranges amères constitue un excellent complément pour ceux qui veulent prolonger l'aventure du Photographe. A voir également, un DVD inclus à l'époque de la sortie du tome 3 contenant quarante minutes de reportage sur la mission MSF.