Miles Davis est un compagnon précieux

Ambiance film noir. Les grosses gouttes de pluie frappent contre le carreau de la fenêtre. La nuit est tombée depuis longtemps et le vent souffle dans les stores des boutiques. Les rares passants arpentent d'un pas décidé la rue vide et projettent le long des murs sales des ombres qui se découpent dans la lumière orangée du lampadaire. Autrement, tout est noir et blanc. Un chat traverse le macadam humide. Il s'arrête au milieu et observe. Il n'y a personne, à cause de la nuit et de la pluie. On peut entendre les moteurs des voitures rugir dans le lointain.

Miles Davis laisse s'échapper de longs sanglots de sa trompette. Il est un précieux compagnon, les nuits, par temps de pluie. Grâce à lui, la déprime s'éloigne doucement. Il est temps de poser son front contre la vitre et de laisser exploser les pensées. C'est une sourde mélancolie qui s'installe pour durer. On se croirait dans un film noir. Il ne manque plus que le verre de whisky, accoudé à un bar obscur. La réalité est toute autre. La seule lumière du lampadaire éclaire la petite chambre tandis que le stylo gratte les impressions sur le carnet.

Blue in Green combat le silence. Les notes du piano s'effacent au fur et à mesure que l'instrument à vent prend de l'importance, tandis que la caisse claire est caressée de manière sensuelle par les balais. Kind of Blue tourne en boucle pour éviter que l'assourdissante absence de bruits de l'étage ne finisse par l'atteindre. Il est tard, mais le sommeil ne vient pas. C'est une atmosphère particulière qu'il apprécie après tout. Il l'attend, il la cherche mais il la redoute parfois. Elle est là, de toute façon.