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Un billet par jour ?
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27 octobre 2009

Du boulot

Que je vous le dise maintenant, je suis en khâgne, ce qui est peut-être un facteur plutôt difficile pour publier un billet par jour, mais bon... Toujours est-il qu'en tant qu'étudiant, je suis désespéré de ne pas trouver de cours/dissert/exposé sur internet à propos des devoirs que l'on doit rendre. Et ce blog est également un moyen de mettre en ligne mes travaux pour que d'autres puissent en profiter. Je ne vous garanti pas forcément une qualité exemplaire, mais déjà l'assurance d'une base de départ.


Alors je commence la série par une dissertation de cinéma. Le sujet était une citation de Visconti, à commenter : "le néo-réalisme est avant tout une question de contenu". Enjoy !

« Le néo-réalisme est avant tout une question de contenu » disait Visconti. C'est une affirmation qui semble être plutôt restrictive mais qui prend sens. En effet, comment ne pas retrouver dans un film néo-réaliste ce contenu si caractéristique : une histoire se déroulant souvent au sein de classes populaires mettant en relief les conditions de vie de ses membres. Toutefois, la pensée Visconti laisse-t-elle d'autres contenus exister ? N'y en a-t-il qu'un seul et unique type ? Celui-ci diffère probablement dans l'esprit de Rossellini ou de De Sica. En outre, le néo-réalisme n'est-il pas également  fortement régit par un aspect technique ?

Dès lors, il faut s'interroger sur le rapport entre l'essence du néo-réalisme et son contenu : est-ce un lien exclusif. Sur laquelle de ses caractéristiques le néo-réalisme pourrait-il alors se fonder ?

Nous verrons ainsi que celui-ci peut être réduit à sa question technique. Puis nous mettrons en lumière l'importance décisive du contenu dans sa définition. Enfin, nous envisagerons le néo-réalisme comme une somme de contenus, de démarches, de regards, propre à chaque réalisateur et considéré comme un but à atteindre.

 


Le néo-réalisme doit une grande partie de son essence à son aspect formel. Ce qui frappe à la première vision d'un film appartenant au genre, c'est son caractère dépouillé. Point de décors luxueux ou de ribambelles d'acteurs plus fameux les uns que les autres, ces films sont souvent tournés en extérieurs avec des acteurs non professionnels, jouant pour la plupart leur propre rôle. Ainsi, dans le Voleur de bicyclette, l'absence d'acteurs professionnels est un facteur déterminant dans la qualité du film selon André Bazin. Il évoque également les paysans et pêcheurs de La Terre tremble qui, possédant des rôles d'une complexité psychologique extrême, ont des textes très longs durant des scènes en gros plan où leur visage est scruté par la caméra « aussi impitoyablement […] que dans un studio américain ». Le résultat est que ceux-ci sont très bons car ils arrivent à effacer l'idée d'acteur. En effet, jouant leur propre rôle, il n'est même plus question d'un jeu bon ou mauvais tant l'homme est identifié à son personnage.

L'utilisation d'acteurs novices permet ainsi de prouver que certains sujets traités dans un certain style ne peuvent plus l'être avec des professionnels, car la volonté de reproduire au plus près la réalité -et ce, en opposition avec les méthodes fascistes- prend tout son sens lorsque ce sont des figurants qui sont appelés pour jouer les premiers rôles. Ainsi, pour Paisà, Rossellini refusa studio, costume, maquillage, acteurs et presque le scénario. Partisans, moines, G.I., femmes du peuple, sciuscià, furent pris dans les casernes ou dans la rue, pour reconstituer devant la caméra un épisode jadis vécu par eux. Le style est celui de l'opérateur d'actualités. Exprimant de ce fait l'âme populaire, le film dépassa la chronique et atteignit un ton épique.

De même, l'année précédente, en 1945 avec Rome ville ouverte, c'est la technique qui donne au film son immortalité. L'obligation de tourner dans la rue et les maisons, faute de studio, la photo grisâtre par l'absence de groupes électrogènes, l'aspect sommaire du découpage fait par morceaux et souvent improvisé, donnent au film l'apparence d'authenticité d'un témoignage. Avec Rossellini, cette volonté technique imposé presque malgré elle, devient un style. Parce qu'il n'avait pas de studio, pas de décors, pas de camion de son, les Italiens continueront de tourner dans la rue, de refuser les beaux éclairages, la photo léchée, tourneront en muet pour synchroniser après coup. Ce sera alors la plus sûre façon de se libérer des décours bourgeois des films de « téléphones blancs » et affirmer alors leur propos : ne pas trahir l'essence des choses, de les laisser d'abord exister pour elles-même librement, de les aimer dans leur singularité particulière, comme le dira Bazin.

La forme, l'aspect technique régit donc, de prime abord, l'essence du néo-réalisme. La question technique est importante, car c'est à travers les décors, les acteurs, l'éclairage ou la mise en scène qu'est transmis le point de vue néo-réaliste. Le contenu semble moins important que la manière dont il est raconté, comme l'affirme André Bazin. Le néo-réalisme « ne porte pas tant sur le choix de sujets que sur la prise de conscience. Ce qui est réaliste dans Paisà, c'est la résistance italienne, mais ce qui est néo-réaliste, c'est la mise en scène. » Le néo-réalisme installe la caméra dans la rue et dans les champs, abat la cloison du studio, reprend contact avec les hommes, avec la réalité.

 

 

Reconnaissable de par son aspect formel, le néo-réalisme n'existe néanmoins qu'en s'opposant franchement au cinéma développé sous le fascisme. Écœuré par des années de guerre et de dictature, les artistes néo-réalistes trouvent dans le cinéma un moyen de mettre en avant leur vision de l'Italie et du monde. C'est par leur contenu que les films néo-réalistes permettent au genre d'exister.

 

 

« Le néo-réalisme est avant tout une question de contenu ». Peut-être, car dès les débuts de la libération, les cinéastes révèlent les conditions effroyables de leur pays déchiré par les rancœurs, les privations, la misère qui dégrade les corps et les âmes. Ils étaleront ses plaies aux yeux du monde : le marché noir, le vol, la prostitution... D'après Pierre Leprohon, c'est « un cri qui se répercute ainsi à travers les œuvres, d'année en année, un cri de haine ou de désespoir. ». Ce qu'apporte alors le néo-réalisme à travers la sincérité de son témoignage et le dépouillement de son expression, c'est son humanité généreuse. Est retrouvé la sensibilité d'un peuple, son émotion à vivre, dans quelques images symboliques qui jalonnent les films : les femmes de Riz amer de De Santis couvrant le corps de leur camarade d'un linceul de ce riz qui faisait leur peine, la main d'un enfant qui sauve le héros de Voleur de bicyclette du désespoir.

Avec Paisà, Rossellini livre un témoignage poignant sur les événements de ces années terribles, dans les tons les plus divers et propose un choix significatif d'épisodes pris au long de la reconquête de l'Italie. Il donne à voir le visage meurtri de cette terre, l'innocence bafouée, l'amour traqué, la misère endurée... Avec Rome ville ouverte et Paisà, par leur valeur historique dans le domaine des faits (mais aussi de l'esthétique), Rossellini marque l'éclosion d'un genre qui va donner au cinéma italien une valeur unique sur le plan des thèmes plongeant au cœur des réalités immédiates.

Selon André Bazin, « l'application de ses attributs techniques comme une recette ne le reconstitue pas nécessairement ». Est ainsi prouvé que l'aspect formel ne fait pas tout, et que le néo-réalisme en tant que cri de révolte permet de développer un contenu qui est l'élément primordial du film sur lequel se greffera une technique qui le renforcera. Ainsi, il est permis de faire appartenir au néo-réalisme, comme le rappelle Bazin, une film comme Cronaca di Amore d'Antonioni car, malgré des acteurs professionnels, une intrigue policière, certains  décors fastueux, le réalisateur n'a pas recours à un « expressionnisme extérieur aux personnages », il fonde tous ses effets sur leur façon d'exister, de pleurer, de marcher...

Doit-on alors voir différents types de contenus dans l'affirmation de Visconti ? Diffèrent-ils selon les réalisateurs ? Ainsi Bazin voit-il le néo-réalisme d'un Rossellini bien différent de celui d'un de Sica. Le premier paraît dépouiller toujours davantage, styliser avec rigueur, « retrouver le classicisme de l'expression dramatique par le jeu et par le choix ». Tandis que le second fouille la réalité avec toujours plus de curiosité. Mais pour les deux, il s'agit de répudier les catégories du jeu et de l'expression dramatique pour contraindre la réalité à livrer son sens à partir de ses seules apparences. Quant à Visconti, avec La terre tremble, on retrouve une véritable beauté plastique que certains lui ont reprochés. Il est évident qu'en dépit du vérisme intégral de la réalisation, l'œuvre est conçue et réalisée avec une rigueur esthétique constante. On se rappelle quelques tableaux à la beauté singulière : l'attente des femmes devant la mer par exemple. Mais souvent, ces tableaux font corps avec le récit. On peut toutefois y déceler une opposition avec le Voleur de bicyclette de De Sica : alors que le héros sicilien, vaincu mais avec la foi de sa certitude, fonce sur ses rames, Ricci se noie dans la foule romaine. Mais malgré une apparente négation, ces deux œuvres affirment une commune espérance. Ainsi, le contenu peut, dans l'absolu, différer entre les réalisateurs, mais il trouve son unité dans sa volonté d'originalité et de démarcation, et dans sa transmission de la réalité. En outre, c'est, semble-t-il, par lui que se définit pleinement le néo-réalisme.

 

Contenu, aspect formel : les deux ont une place éminemment importante dans l'essence du néo-réalisme. Mais ce dernier est-il réellement définissable par rapport à une notion ? Ne serait-il pas une somme de composants : décors naturels, acteurs non professionnels, histoires populaires, mise en image à une époque particulière, une démarche prise dans un contexte définissable.

 

« Le nouveau réalisme italien, considéré dans ses œuvres et ses artistes, n'est pas à proprement parler une école ni un mouvement mais simplement une atmosphère. » Cette phrase du critique italien, Giovanni Calendoli précise bien que le mot « atmosphère » ne s'applique non seulement pas à l'atmosphère dans laquelle baigne l'action des films néo-réaliste, mais aussi à l'atmosphère dans laquelle ils ont été réalisés, c'est à dire aux conditions matérielles de cette réalisation. Il y a donc un lien inévitable entre la forme et le fond au sein des films néo-réalistes. L'un sans l'autre entrainerait un film-expérience qui ne rencontrerait aucune forme de reconnaissance et pour lequel, la volonté de transmission de l'observation propre aux films du genre, serait obsolète. Ainsi, André Bazin parlant de La terre tremble révèle qu' « il faut nécessairement que l'esthétique puisse être utilisée à des fins dramatiques pour qu'elle serve à l'évolution du cinéma. Sinon ce n'est qu'une splendide voie de garage ».

Cette idée de somme de contenus, de regards, de démarches, a l'allure parfois différentes mais à la volonté commune est également perceptible dans la conception de la création d'une œuvre néo-réaliste. En effet, on retrouve un travail commun, de la critique à la réalisation, en passant par l'élaboration et l'adaptation des sujets, qui réunit tout ces artistes. On trouve ainsi au générique de Rome ville ouverte les noms de Sergio Amidei et de Federico Fellini. On voit alors de plus en plus de critiques ou de scénaristes devenir réalisateurs, des écrivains laisser la plume pour la caméra, des metteurs en scène se faire occasionnellement acteurs, sans pour autant se figer dans un emploi. Ces interférences sont des collaborations à la fois souples et libres, attachées non à des films, mais bien plutôt à un certain esprit, aux même problèmes à poser, aux mêmes buts à atteindre. Ainsi certains hommes en pleine activité inscriront leurs noms sur des génériques interminable (sous la fonction « collaborateurs de création ») d'œuvres nombreuses dont la réputation n'ira, parfois un peu arbitrairement, qu'au seul metteur en scène. Il y a donc bien somme, dirigée vers le même but. Le néo-réalisme n'est donc pas seulement « un contenu ». Ce genre est difficile à définir car il rassemble les intentions esthétiques et narratives d'un grand nombre de collaborateur. Il est donc plus aisé de le voir comme un idéal. Bazin parle ainsi « d'un idéal dont on approche plus ou moins ». Il n'y a donc pas de néo-réalisme en soi, il n'y a que des metteurs en scène néo-réalistes.

En outre, on peut comprendre le néo-réalisme comme un genre dépendant de son époque. Son histoire suit l'histoire de l'Italie, entre 1942 et la fin des années 1950 ; les sujets des films néo-réalistes évoluent du film de guerre au film social. L'après-guerre a libéré l'Italie et son peuple de la peur et l'oppression. On conçoit que cette libération ait suffi à passer de l'inquiétude à l'espérance. Mais parce que le combat mené par le cinéma néo-réaliste n'est pas terminé (des question sans réponses, des souffrance sans secours), ceux qui ont assigné au genre ce rôle social n'accepte pas de la voir déserter cet objectif. Devant cet éclatement, de Sica dira « la crise du néo-réalisme est due précisément à l'épuisement de la réalité particulière qui avait caractérisé l'occupation allemande et l'après-guerre de notre pays ». L'essence du néo-réalisme passe donc également par son environnement.


 

L'essence du néo-réalisme n'est donc pas exclusivement liée à une question de contenu mais également dans une large mesure à un aspect formel et technique. En outre, son existence dans l'histoire de l'Italie et par rapport à un contexte particulier est aussi décisive. Ainsi, en tant que somme de contenus, de regards et de démarches, le néo-réalisme tient son essence de différents facteurs toutefois tournés vers un but semblable : mettre en image et transmettre une vision particulière de la réalité.

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Commentaires
M
J'ai dormis que 4h et je viens de lire ta dissert... c'était dur. Ca m'a l'air pas trop mal en tout cas même si mon jugement est inutile, étant donné que je ne sais rien du néo-réalisme italien...<br /> <br /> Au final t'as eu quelle note ?
G
Option ciné en effet, à Cannes.<br /> <br /> Et toi, tu es de quelle prépa ? (si tu veux éviter le flood dans la page des commentaires, hésite pas à me contacter par mail... mon adresse doit être affichée).
V
Tu es en hypokhâgne où ? En option ciné ?
G
Je tiens à te féliciter pour le défi que tu t'es lancé. Étant en hypokhâgne, je perçois la porté du challenge. C'est vrai qu'il est difficile de trouver des sources de bonnes qualité sur internet...<br /> <br /> En tout cas, j'ai beaucoup apprécié cet article. Je travaille en ce moment sur "Néoréalisme et Fiction" justement.<br /> En tout cas je compte venir régulièrement sur ton blog, encore bravo pour ton boulot !
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